Thierry Stolarczyk

Chasseur de particules cosmiques

Antares

Reproduction d'un Kakemono de présentation d'Antares réalise pour le Salon de la recherche et de l'innovation en 2006 - (c) CEA 2006

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Le neutrino et l’origine du rayonnement cosmique

Les explications au travers de 5 vidéos d'un interview tournées en 2007 →

L’atmosphère est bombardée par un flux de particules, les rayons cosmiques, un phénomène découvert il y a plus de cent ans. Ces particules sont des noyaux d’atomes, essentiellement des protons. Elles sont suspectées provenir du dernier souffle des étoiles, qui ensemence l’Univers de particules et de rayonnement, ou d’autres apocalypses encore au sein de lointaines galaxies.

Interview réalisée en 2011, par Solidair TV pour la Ferme des étoiles.

Hélas, déviées lors de leur long voyage jusqu’à la Terre, leur origine n’a pas encore pu être identifiée avec certitude. Cependant, dans ou à proximité de ces sources cosmiques, des collisions engendrent des photons de haute énergie –les rayons gamma- et des neutrinos. N’étant pas déviés par les champs magnétiques interstellaire ou intergalactique, ces derniers voyagent en ligne droite et nous indiquent leur lieu de naissance. Si l’observation du ciel en rayon gamma ces trente dernières années a révélé de nombreux objets susceptibles d’accélérer les rayons cosmiques, les premiers neutrinos cosmiques de très haute énergie viennent tout juste d’être détectés dans Icecube un détecteur enfoui dans les glaces de l’Antarctique.

Le neutrino est une particule de matière infiniment petite, au même titre que l’électron par exemple, émise en abondance dans de nombreux phénomènes naturels.Sa particularité la plus étonnante est sa faculté à traverser la matière. Ainsi, sans que nous nous en apercevions, chaque centimètre carré de notre peau est traversé chaque seconde par 65 milliards de neutrinos émis au centre du Soleil lors de la fusion de l’hydrogène en hélium. Le jour bien sûr, mais également la nuit, lorsque le Soleil est aux antipodes. Le nombre de neutrinos arrivant sur les détecteurs destinés à les piéger peut donc être énorme mais le nombre de ceux qui s’y arrêtent est dérisoire, de un à quelques dizaines par jour selon la méthode de détection, la taille et la composition de l’appareillage. Pour détecter les neutrinos susceptibles de trahir l’origine du rayonnement cosmique, la Terre elle-même sert de cible.

La collaboration Antares en 2008 lors d'une réunion à Paris - (c) J.-L. Robert, APC.

Lorsqu’un neutrino de haute énergie interagit dans l’écorce terrestre, une particule similaire à l’électron mais plus lourde, un muon, est produit, émis dans la même direction. En atteignant les fonds marins il crée un sillage de lumière bleutée, dite Tcherenkov, détectable par un instrument permettant d’observer le ciel… au travers de la Terre. C’est la méthode utilisée dans Antares, un télescope immergé à 40 km au large de Toulon, à 2500 mètres de fond pour se protéger du rayonnement cosmique. L’instrument est constitué d’un réseau de photo-détecteurs répartis sur 12 lignes de 450 mètres de hauteur, espacées les unes des autres de 65 mètres, et couvrant une surface équivalente à quatre terrains de football.

Dans les ténèbres des abysses, chaque sillage qui traverse Antares illumine de quelques photons quelques dizaines d’yeux sur les 900 que comporte le détecteur. Le temps d’arrivée des photons sur les yeux, connus au milliardième de seconde près, et la position des yeux qui bougent au gré des courants, permettent de calculer la direction du muon, et donc celle du neutrino. La date de passage du muon permet de connaître l’orientation et la position de la Terre dans la Galaxie. La direction du sillage dans le détecteur donne alors un point de provenance sur la voute céleste avec une précision d’un demi-degré, ce qui est approximativement la taille apparente de la Lune depuis la Terre. À raison de quelques neutrinos par jour, la carte du ciel se dessine au fil des années.

Vue d’artiste du détecteur Antares. Neuf cent yeux électroniques scrutent les fonds marins dans l’obscurité des abysses à la recherche du sillage bleutée résultant de l’interaction d’un neutrino dans l’écorce terrestre. ©  J.A. Aguilar, 2010.

Un sillage de lumière Tcherenkov se forme dans les abysses lorsqu’un neutrino se transforme en muon. La lumière est détectée par les yeux électroniques d’Antares.
© CEA - M. Jamon

Un neutrino seul ne porte pas d’information sur son origine, car il est probable, mais jamais certain, qu’il soit un neutrino « atmosphérique » produit par la collision d’un rayon cosmique dans l’atmosphère, y compris de l’autre côté de la Terre. C’est à force de patience que l’on peut espérer voir une accumulation inhabituelle dans le ciel qui trahirait la présence d’une source céleste, et peut-être de la relier à un objet déjà répertorié dans le ciel. Aucun excès significatif n’a encore été détecté dans Antares

La prise de données avec Antares se poursuit. Des équipes travaillent à un instrument beaucoup plus grand qui pourrait prendre la relève dans les années qui viennent. Le détecteur Icecube a permis de détecter des neutrinos de très haute énergie dont la provenance cosmique est avérée sans qu’ils aient pu encore être associés à une ou plusieurs sources connues.

Carte du ciel en neutrino avec les données recueillies par le télescope Antares entre 2007 et 2010. Chaque point est obtenu de la détection d’un muon montant résultant de l’interaction d’un neutrino à proximité du détecteur.



(c) L.Fabre/CEA

Diaporama

Présenté à l'exposition "Entrée en matière", Trocadéro, Paris, 19-30 octobre 2011.

Quelques ressources sur le web